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Interview de Rob Hopkins

Traduction de l’Interview de Rob Hopkins

1. Comment sensibiliser les entrepreneurs au concept de la résilience, comment les fédérer et créer une synergie entrepreneuriale ?

Je pense que si nous voulons attirer des personnes par le concept de résilience collective et entrepreneuriat, il est très important de démarrer là où il y a déjà un intérêt. Si nous voulons toucher des gens qui ne sont pas motivés par l’idée du changement climatique et nous leur disons «Bougeons-nous pour le climat », cela n’aura pas beaucoup d’intérêt ni d’impact. Dans la plupart des communautés et pour la majorité des gens, ce qui compte le plus, c’est d’avoir un travail, une activité économique, une communauté prospère, des enfants qui vivent mieux et plus longtemps, un cadre de vie agréable. C’est ce message que la résilience doit faire passer.

Dans la ville où je vis, nous avons réussi à rassembler le conseil municipal, la chambre de commerce, les entreprises et les écoles, car nous avons nous-mêmes créé le plan d’action pour développer une économie locale, et ce, en identifiant les sources de dépenses. Combien dépensons-nous pour la nourriture chaque année ? Quel est le pourcentage revenant aux supermarchés, à l’économie locale ? De là, nous avons pu déterminer des catégories de dépenses par exemple la consommation d’eau. Si nous pouvions gérer ces dépenses au niveau local, cela créerait de l’emploi, des formations, des opportunités pour les plus jeunes qui resteraient dès lors au sein de la communauté.

Il faut créer une économie qui soit plus attractive que le système néolibéral dans lequel toutes les richesses sont concentrées par de grosses entreprises qui s’arrangent pour payer de moins en moins d’impôts tout en nous vendant des biens de plus en plus dangereux pour la santé. Nous pouvons faire nettement mieux avec une économie locale et c’est le message à faire passer à tout prix dès le début de l’action.

2. L’économie peut être à la fois un problème et une solution. Qu’en pensez-vous ?

Nous devons de toute façon avoir un système économique, on ne peut pas faire sans, que ce soit à travers le commerce, les dépenses, les échanges. Mais nous avons le choix de faire en sorte que cette économie soit au service de la vie, des Hommes, de la planète. Selon le rapport Stern qui a été émis par le gouvernement britannique il y a 7-8 ans, le changement climatique a été le plus gros frein à l’économie du libre-échange. C’est une aberration.

Comment peut-on avoir une économie qui favorise la richesse pour une infime partie de gens et qui détruit la biosphère pour la majorité des autres peuplant cette planète. C’est complètement fou ! En fait, il est tout à fait possible de créer une économie qui soit au service des Hommes et de la planète mais cela demande de récupérer un peu de pouvoir à ceux qui le possèdent actuellement.

3. Pensez-vous que les petites initiatives locales soient assez fortes pour pouvoir amorcer un changement dans le fonctionnement actuel de l’économie globale qui semble très puissante ?

Je me pose la question de savoir si cette économie globale est vraiment puissante. Je pense plutôt qu’elle est extrêmement fragile. Le prix du pétrole est actuellement très bas, car les économies chinoise et indienne sont en train d’amorcer un déclin, la récession est présente dans de nombreux endroits de la planète, les économies anglaise et américaine ont pu être sauvées simplement en réimprimant massivement des billets qui se sont ensuite volatilisés pour finir dans la poche des plus riches. Je me pose vraiment la question de savoir si l’économie globale est plus forte que l’économie locale, car dans le monde, ce sont les économies locales, les petites entreprises agricoles qui en fait nourrissent la planète.

La production agricole industrielle ne produit qu’un tiers de l’alimentation dans le monde. Les deux autres tiers proviennent toujours de petites exploitations. Si nous voulons vraiment mettre en place un système résilient, il faut continuer à soutenir et à protéger les initiatives qui existent déjà. Nous voyons partout dans le monde des économies locales émerger et se renforcer. Cette idée est en train de se répandre rapidement. Un bon exemple est le développement des brasseries artisanales. Aux États-Unis, il y a 10 ans, 4 brasseries avaient le monopole. Aujourd’hui, 10% de la bière vendue aux États-Unis proviennent de brasseries artisanales indépendantes qui utilisent des produits locaux.

C’est la même chose pour l’alimentation, l’énergie et ce développement va très vite. L’économie globale, très fragile, s’effondre à une allure impressionnante, elle qui fonctionne grâce à des supercheries malicieuses et dilapide les richesses. Nous devons construire un autre modèle économique qui nous soutienne et qui permettrait de contrer le système actuel très fragile. Ce phénomène est en développement et s’accélère.

3Bis. La force de ces initiatives est-elle dès lors la connexion entre elles, n’est-ce pas ?

Oui exactement, c’est d’ailleurs le message que l’on fait passer en transition. La force de l’économie locale est l’interconnexion des initiatives que l’on essaie d’établir, c’est vraiment ce que l’on tente de faire en transition. Ici dans la salle, il y avait à peu près 50 à 60 transitionnaires venant des 4 coins de la Belgique. Dès que leurs projets et entreprises se développent, ils partagent leurs expériences, leurs idées et c’est de là vraiment que naît le concept de résilience.

4. Quelles seraient pour vous les qualités et forces d’entrepreneurs engagés dans la logique de la résilience ?

Ils doivent avoir de bonnes idées et être capables de les partager de sorte à en inspirer d’autres, ils doivent accepter de travailler très dur, ils doivent être convaincus que leur idée est celle dont a besoin le monde sans que celui-ci ne le sache déjà, et je pense qu’ils ont besoin d’être soutenus pas leurs proches et les communautés locales. Il existe différentes façons d’agir en ce sens. Ils ont besoin de finance et d’investissements et à l’heure actuelle, il y a de nombreuses initiatives créatrices pour les soutenir, comme le financement participatif. Avant tout, ils doivent vraiment croire en leur idée et être convaincus que c’est elle dont a besoin le monde. Ils doivent tout faire pour y parvenir.

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